
Lettre à mon cher enfant si attendu
En tant qu’artiste enceinte de six mois et m’apprêtant à devenir mère pour la première fois, je suis profondément émue par l’entrelacement des récits de la nature, de la création et de l’immense histoire de la vie sur Terre. « Lettre à mon fils » est un projet artistique né de ce lien profond. À travers cette série de photographies, je cherche à explorer et à exprimer le parcours évolutif, depuis les origines océaniques de la vie jusqu’au présent, en célébrant ce continuum dont je me sens partie intégrante.
Le projet entrelace la magie biologique du développement humain avec le grand récit de l’évolution de la vie. Chaque pièce reflète un mois—une étape de la croissance de l’enfant que j’attends.
Mon très cher petit,
Alors que je t’écris, tu es blotti en sécurité en moi, grandissant chaque jour dans ton océan tranquille—un minuscule univers où tu es tendrement bercé. Là, dans la chaleur de ton monde aquatique, tu poursuis un voyage extraordinaire qui captive mon cœur et mon esprit. Chaque jour qui passe, tu fais écho à l’histoire de la vie sur notre planète, traversant des étapes qui rappellent les créatures de la terre et de la mer qui nous ont précédés.
Tu es né dans cet océan, mon fils, où tu as déjà vécu sous de multiples formes. Comme le poisson, tu as commencé avec des branchies, nageant dans les premiers stades de la vie. Comme le reptile, ton minuscule cœur est devenu fort, prêt à affronter le monde au-delà de l’eau. Et maintenant, tu deviens humain, portant l’héritage de ces animaux dans chacune de tes cellules.
Ce voyage incroyable de l’animal à l’humain est une histoire plus ancienne que les étoiles—faite d’évolution, de survie et de transformation. Tu fais partie de ce grand récit, mon fils, un témoignage de la résilience et de l’émerveillement de la vie elle-même.
Lorsque tu naîtras, souviens-toi de cet héritage magique. En entrant dans le monde, chéris la vie qui t’entoure—les animaux dont tu as un temps partagé la voie, les plantes qui insufflent leur souffle à notre air, et les humains dont les existences s’entrelaceront avec la tienne. Chacun porte des histoires aussi miraculeuses que la tienne, dignes de respect et de soin.
Puisse-tu toujours te sentir relié à la terre et à ses habitants, en reconnaissant que nous faisons tous partie d’une grande et unique famille interconnectée. En grandissant, de l’innocence de l’enfance aux complexités de l’âge adulte, que ce savoir guide tes pas et inspire ton cœur à agir avec compassion et empathie.
Je t’attends avec les bras ouverts, prête à te rencontrer, toi, mon petit qui as traversé les étapes de la vie pour devenir l’unique toi. Ensemble, nous explorerons ce monde magnifique, poursuivant le voyage que tu as commencé dans ta première demeure sacrée—l’océan.
Avec tout mon amour,
Ta future maman et ta première maison.
« L’Arche de Noé »

"Les Espaces de Minotaure"

"Kaukokaipuu"
Inspiré par le mot finnois kaukokaipuu, qui décrit la nostalgie pour des lieux jamais visités, сe projet explore comment la mémoire, tel un organisme vivant,
évolue, se développe et se transforme, jusqu’à se fondre dans le tissu de nos rêves, de notre imagination et de nos expériences, enrichissant ainsi notre réalité.
La mémoire est envisagée comme une zygote, née de la rencontre de deux vérités ou expériences authentiques. Cette fusion crée un embryon de souvenir
qui, fécondé, s’attache à l’utérus de notre conscience. Là, il est nourri et façonné par nos expériences et perceptions, évoluant chaque jour à travers un apprentissage constant, jusqu’à son émergence dans la lumière de notre conscience. Une fois né, le souvenir apprend à interagir avec le monde extérieur, influençant et étant influencé par lui, se chargeant de nouvelles significations et s’adaptant au gré de notre imagination et de nos associations. Les odeurs, les goûts, la photographie, les journaux ou encore d’autres supports documentaires, en tant que médiums, offrent un retour vers ces moments passés, mais avec une perspective renouvelée, questionnant ainsi la véracité de nos souvenirs à chaque instant de notre vie.
Les souvenirs personnels sont façonnés par une multitude de facteurs externes, rendant la mémoire individuelle un phénomène presque collectif. Ce projet
aborde ce cycle de vie du souvenir, débutant par une vérité subjective tangible, traversant diverses phases de transformation qui ne sont pas toujours immédiatement explicables. Avec le temps, nous pouvons tenter de rationaliser le passé et d’établir des liens de cause à effet, mais la vérité initiale peut se perdre, laissant place à une nostalgie pour des origines peut-être jamais existées. Ce projet se compose de 17 objets, correspondant à 17 années de vie en France, conceptualisées comme celles d’un enfant en pleine croissance, qui absorbe et intègre de nouvelles connaissances à chaque étape de son développement.










"Daydreamer"
En Ouzbékistan, d’où je viens, il existe un proverbe : « Bolali uy bozor, bolasiz uy mozor », ce qui signifie :
« Une maison avec des enfants est un bazar ; une maison sans enfants est un cimetière. » Les Ouzbeks appellent souvent les enfants les « fleurs de la vie », délicates mais vibrantes, s’épanouissant à chaque souffle, chaque rire, chaque rêve. C’est à partir de cette tradition que les fleurs sont devenues le centre de mon projet—un projet qui rend hommage aux rêves d’enfants dont la vie a été interrompue par le cancer, des rêves qui n’ont jamais eu la chance de s’épanouir pleinement.
Pour chaque rêve, j’ai créé une image à l’aide de l’intelligence artificielle. Ainsi, la collection devient une ode aux rêves d’enfance, où chaque image se transforme en une interprétation artistique du souhait d’un enfant—si pur, si intact face à la dureté de la vie. Ces images ne sont pas seulement de l’art ; elles sont des souvenirs capturés et préservés, des instants qui n’ont jamais eu la chance de se déployer. Dans leurs couleurs vives et leurs lignes délicates, j’essaie d’insuffler l’urgence de goûter pleinement la joie quotidienne, cette joie que les enfants trouvent dans les plus petites choses—les ailes d’un papillon, la chaleur du soleil, la douceur d’un bonbon.
Chaque création évoque son propre univers onirique, une vision florale qui s’épanouit comme une pensée fugace mais vibrante en méditation. La collection comprend 366 créations, chacune étant un murmure du cœur d’un enfant, chacune un rappel que la vie, dans sa fragilité, est un jardin que nous devons cultiver avec amour et mémoire.
Mais ce projet n’est pas né d’une simple inspiration—il est né d’un chagrin profond, implacable. Après des études en économie et en management, j’ai travaillé pendant sept ans dans l’industrie pharmaceutique en France. Mon dernier projet portait sur l’oncologie pédiatrique en phase terminale. Je me souviens de la première fois où je suis entrée dans ces services hospitaliers, l’odeur d’antiseptique lourde dans l’air, et le son des machines qui rythmaient comme des battements de cœur fragiles. Je me souviens d’avoir vu ces enfants—si petits, si fragiles, mais avec des yeux qui portaient le poids de plusieurs vies. Malgré leur fragilité physique, ils possédaient une force spirituelle qui me laissait sans voix.
Ces enfants, si profondément conscients de leur propre mortalité, m’ont appris à chérir chaque instant. J’ai vu des petites mains serrer des ours en peluche avec une détermination farouche, des têtes chauves couronnées de bonnets tricotés, des sourires qui perçaient la douleur avec une lumière d’une intensité inexplicable. Ils savaient, peut-être mieux que nous tous, que la joie ne se trouve pas dans l’immensité du temps mais dans l’urgence du moment présent. Je les ai vus s’accrocher à chaque seconde, mobilisant tout ce qu’ils avaient—leur énergie, leur temps—pour vivre le plus pleinement possible, même lorsque leur corps s’affaiblissait.
C’est ainsi que j’ai décidé de consacrer ma vie à l’art. J’ai quitté le monde de l’entreprise. J’ai choisi de suivre les rêves des enfants dont la vie s’est arrêtée beaucoup trop tôt. Mon nom artistique, Khulkar, est un hommage à ma grand-mère et se traduit par « étoile polaire. » Une étoile qui guide, qui ne s’éteint jamais, tout comme les souvenirs de ces enfants ne devraient jamais disparaître.
Mon projet, Day Dreamer, est ma promesse que leurs rêves ne sont pas oubliés et qu’ils vivent dans l’esprit de ceux qui les contemplent. Lorsque vous regardez ces images, vous ne voyez pas simplement des fleurs ; vous marchez au milieu de rêves—des rêves de devenir invisible, de grandir pour devenir médecin, de découvrir un trésor enfoui, d’écrire un livre qui deviendrait un classique.
J’espère que ceux qui voient ces compositions comprendront la joie qu’ils tiennent entre leurs mains, la beauté éphémère des instants quotidiens que ces enfants n’ont jamais eu la chance de vivre. Je veux que chaque battement de cœur soit un murmure, chaque regard une promesse—celle de vivre, de vraiment vivre, pour ceux qui n’ont pas pu.
Car les enfants sont les fleurs de la vie, et même lorsqu’ils ne sont plus là, ils continuent de fleurir dans le cœur de ceux qui se souviennent, dans les rêves que nous pouvons partager.











